Une thérapie génique a rendu la vision des couleurs à des singes

https://www.sante-decouverte.com/wp-content/uploads/imgsd/une-therapie-genique-a-rendu-la-vision-des-couleurs-a-des-singes_s.jpgDeux singes-écureuils, qui ne pouvaient distinguer que le jaune et le bleu, ont acquis une perception complète des couleurs grâce à l’insertion d’un gène humain dans leur rétine. Cette découverte, qui a de quoi étonner, laisse présager des traitements possibles pour des maladies de la vision, même congénitales.

Sam et Dalton sont deux singes-écureuils, encore appelés saïmiri (Saimiri sciureus), d’où le nom du premier. Il y a encore deux ans, comme tous les mâles de leur espèce, ils ne distinguaient que deux teintes, le jaune et le bleu, mais ni le rouge ni le vert. D’où le nom du second, qui est celui de John Dalton, le médecin anglais qui décrivit en 1798 ce trouble héréditaire de la vision qu’on appelle depuis le daltonisme. Aujourd’hui, Sam et Dalton triomphent de tous les tests imaginés pour dépister cette maladie, comme en témoigne une publication dans la revue Nature.

Depuis dix ans, ces deux singes vivent avec Maureen et Jay Neitz, un couple d’ophtalmologistes travaillant à l’université de Washington (« ce sont comme nos enfants » précisent-ils). Sam et Dalton ont été longuement entraînés aux tests de dépistage des troubles de la vision des couleurs, avec succès si l’on en juge par la vidéo tournée par l’équipe.

Pendant ce temps, l’équipe de William Hauswirth (université de Floride) mettait au point une méthode de thérapie génique pour glisser un gène dans certaines cellules de la rétine, les cônes, responsables de la vision des couleurs. Chez les saïmiris mâles, il n’existe pas de cônes percevant le vert et le rouge. Ils sont dichromates (comme les chats des deux sexes), alors que les femelles – et les humains non daltoniens – sont trichromates.

Le cerveau a lui aussi retrouvé les couleurs

Il y a maintenant deux ans, ces deux singes ont subi une intervention pour recevoir des gènes, d’origine humaine, véhiculés jusque dans les cônes par un adénovirus inoffensif. Ces gènes servent à fabriquer une protéine de la famille des opsines, ces pigments sensibles à la lumière et fonctionnant au sein d’un complexe moléculaire appelé rhodopsine.

Après le succès de cette intervention, la question était double. Les cônes ainsi traités développeront-ils une réelle sensibilité aux couleurs ? Et, surtout, les cerveaux de Sam et de Dalton, qui n’ont jamais vu ni le rouge ni le vert, sauront-ils analyser ces signaux complètement nouveaux ?

D’après Maureen et Jay Neitz, qui vivent continuellement auprès des deux animaux, les premiers effets sont apparus après cinq semaines seulement. Vingt semaines après l’intervention, Sam et Dalton commençaient à pointer, lors des tests, les zones rouges et vertes affichées à l’écran. Jay Neitz affirme en avoir été lui-même surpris.

L’équipe a ensuite poursuivi les tests durant un an et demi pour s’assurer des performances et de leur évolution. Aujourd’hui, Sam et Dalton visualisent les couleurs aussi bien ou presque que les femelles de l’espèce. Par ailleurs, après deux années, aucun effet secondaire n’a été noté.

Un espoir thérapeutique

« L’ajout d’une troisième opsine chez un adulte ne voyant ni le vert ni le rouge conduit au comportement normal d’une vision trichromatique » concluent les auteurs dans la revue Nature. Selon Jay Neitz, l’expérience démontre que même chez ces singes ne reconnaissant pas toutes les couleurs, les circuits de neurones capables de les analyser sont présents dans le cerveau. On peut aussi l’interpréter comme une grande plasticité du système nerveux central.

Sur le plan médical, ce résultat est d’un grand intérêt. Ce n’est pas la première fois qu’une thérapie génique améliore la vision. Des réussites sont déjà à son actif chez le chien et chez l’homme dans le cas de l’amaurose congénitale de Leber.

Il montre qu’il est possible de traiter des troubles de la vue, même quand l’origine est congénitale, ce qui n’allait pas de soi. De plus, comme le soulignent les auteurs, l’ADN utilisé pour la réparation était humain, ce qui fait un problème de moins pour le transfert de cette technique chez l’homme.

Sont particulièrement visés les troubles de la vision impliquant les cônes, comme le daltonisme mais aussi des pertes de la vision centrale, comme la dégénérescence maculaire, dues à l’âge ou à des maladies, le diabète notamment.

Source : Futura Santé

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *