Réponses d’un spécialiste, Serge Hercberg, Professeur de nutrition à la Faculté de médecine Paris-XII et directeur d’une unité de recherche (Unité mixte Inserm/Inra/Cnam/Université Paris-XIII ).
Des études scientifiques ont-elles établi un lien entre santé et alimentation ?
Pr Serge Hercberg : Les cancers, les maladies cardio-vasculaires, l’obésité, le diabète, l’hypertension ou l’ostéoporose, toutes ces grandes maladies chroniques auxquelles nous sommes confrontés, dans les pays riches, sont dues à de multiples facteurs d’ordre génétique, biologique ou environnemental. L’alimentation, comme l’activité physique d’ailleurs,font partie des facteurs environnementaux.
Depuis une vingtaine d’années, de nombreux travaux expérimentaux, cliniques ou épidémiologiques ont permis d’identifier des facteurs de risque ou de protection liés à l’alimentation dans ces grandes maladies chroniques. Or, contrairement aux facteurs génétiques sur lesquels on ne peut pas agir, chacun peut facilement modifier le contenu de son assiette pour limiter les risques. Même si on ne réduit le risque que de 10 %, 15 % ou 20 % dans ces maladies,c’est extrêmement important.
Sur quels conseils pratiques ont débouché ces recherches ?
S. H. : On recommande aujourd’hui de manger cinq fruits et légumes par jour, de pratiquer une activité physique et de manger ni trop gras, ni trop salé, ni trop sucré. Ce sont des recommandations transversales, puisqu’elles réduisent le risque de survenue de nombreuses maladies majeures. Elles sont valables pour tout le monde, quels que soient l’âge et le sexe. Elles ne reposent pas sur une seule étude mais sur l’analyse globale de dizaines, voire de centaines d’études. De manière générale, en France, nous avons la chance de bénéficier d’un Plan national nutrition santé (PNNS) qui établit les différentes recommandations en matière d’alimentation. Toutes sont vraiment issues de la recherche.
Quels aspects restent encore mal compris ?
S. H. : Dans le lien entre alimentation et santé, il y a encore beaucoup de place pour la recherche car beaucoup d’informations manquent encore. Ainsi, une fois le rôle d’un aliment mis en évidence, il nous reste à déterminer la substance qui est réellement active dans un aliment donné. Je mets d’ailleurs en garde contre les compléments alimentaires fabriqués à partir de constituants dont l’efficacité n’a pas été prouvée.
Des études montrent que prendre certains de ces compléments régulièrement, à forte dose, surtout si on est exposé à des facteurs de risques, n’a pas de rôle protecteur et peut même augmenter le risque.
Il faut attendre que le résultat des recherches scientifiques se traduise en recommandations avant de passer à l’application.