Un prix Nobel pour l' »immortalité » du génome

https://www.sante-decouverte.com/wp-content/uploads/imgsd/un-prix-nobel-pour-l-immortalite-du-genome_s.jpgLe centième prix Nobel de médecine, attribué lundi 5 octobre à Elizabeth Blackburn, Carol Greider et Jack Szostak, récompense des travaux décisifs sur le vieillissement et la formation des cancers. Le jury du prix Nobel a distingué les trois chercheurs pour leur découverte sur « la manière dont les chromosomes sont protégés par les télomères et la télomérase ».



Les télomères sont des séquences répétitives d’ADN situées à l’extrémité des chromosomes. Les lauréats ont montré qu’ils jouent un rôle essentiel dans le maintien de leur stabilité. Une tâche qu’ils peuvent assumer grâce à la présence d’une enzyme, la télomérase. Celle-ci protège ainsi les cellules du vieillissement. Cependant, si son activité est trop importante, cette enzyme entraîne un prolongement anormal, quasi éternel, de la durée de vie des cellules, favorisant la survenue d’un cancer.

Dans les années 1950, les biologistes se sont interrogés sur un paradoxe au coeur de la réplication de notre patrimoine génétique. Support de l’hérédité, les chromosomes, situés dans le noyau des cellules, sont constitués d’un long filament d’ADN, enroulé sous une forme compacte. Lorsqu’une division cellulaire va se produire, elle est précédée d’une duplication de l’ADN qui permet d’obtenir un jeu de chromosomes identiques à l’original. Or, durant ce processus de copie de l’ADN, l’extrémité d’un des brins de sa double hélice ne peut être copiée, ce qui devrait avoir pour conséquence un raccourcissement du chromosome à chaque division cellulaire. Ce n’est pourtant pas ce qui se passe. Elizabeth Blackburn, Carol Greider et Jack Szostak ont découvert pourquoi.

Les trois lauréats du Nobel ont en effet mis en évidence les mécanismes par lesquels les chromosomes sont correctement recopiés lors de la division cellulaire et sont protégés contre la dégradation. Chacun des quatre « bras » d’un chromosome se termine par une séquence d’ADN répétée à plusieurs reprises, le télomère (en grec : « partie située à l’extrémité »). Cette séquence ne sert pas à fournir le code de fabrication d’une protéine et on la retrouve presque à l’identique chez toutes les espèces.

Dès les années 1930, des chercheurs avaient remarqué que les télomères semblaient empêcher les chromosomes de s’attacher les uns aux autres et devaient jouer un rôle protecteur. Il a fallu attendre 1982 pour que Mme Blackburn et M. Szostak publient des travaux montrant qu’un télomère, même transféré d’une espèce à une autre, pouvait empêcher la dégradation de l’ADN.

Avancée majeure

Avec l’une de ses étudiantes de troisième cycle, Carol Greider, Elizabeth Blackburn a alors cherché à comprendre comment se forme l’ADN du télomère. Elles soupçonnent d’emblée l’implication d’une enzyme. Le jour de Noël 1984, Carol Greider détecte une activité enzymatique dans des cellules en culture. Avec Elizabeth Blackburn, elle purifie un composé qu’elles baptisent « télomérase » : cette enzyme est faite d’ARN – contenant la même séquence de bases que le télomère qu’elles étudient – et de protéines. La télomérase apporte ainsi le modèle et les protéines enzymatiques nécessaires pour la fabrication de la séquence d’ADN du télomère.

Poursuivant leurs travaux sur différents êtres vivants (souris, levure, etc.), les équipes de Mme Blackburn et de M. Szostak parviennent toutes les deux à la conclusion qu’une cellule dont les télomères ne sont pas fonctionnels connaît un vieillissement prématuré.

A l’inverse, lorsque les télomères fonctionnent normalement, ils protègent les chromosomes, en attirant des protéines qui forment une capsule protectrice à leurs extrémités, et retardent la sénescence de la cellule. Pour sa part, Carole Greider a montré qu’il en allait de même dans l’espèce humaine.

L’avancée scientifique dans la connaissance des mécanismes du vieillissement cellulaire est donc majeure, mais les travaux des trois lauréats ont aussi ouvert la voie à la compréhension des processus par lesquels les cellules cancéreuses tendent à devenir immortelles. Malgré des divisions cellulaires extrêmement nombreuses, leurs télomères paraissent intacts.

L’explication réside, au moins en partie, dans l’activité enzymatique élevée de la télomérase dans les cellules cancéreuses. D’où les pistes qui visent aujourd’hui à mettre au point des vaccins, ciblant les cellules où la télomérase est fortement exprimée. Toute la difficulté sera de tuer les tumeurs sans atteindre les cellules souches qui, elles aussi, tirent de la télomérase leur capacité à se multiplier à l’infini.

Source : Le Monde

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